Attaqués en pleine mer

Publié le par Cyril


Deux bateaux de course surgissent dans l'aube de l'océan Indien pendant que Michael Rogers et sa femme Lesley, des résidants de Vancouver, dorment à bord du Seaborn Spirit, un paquebot de croisière de luxe voguant à 300 km de la côte somalienne. Dans les bateaux de course, des hommes armés de AK-47 et de grenades propulsées par fusée ouvrent le feu, aspergeant le Spirit de balles et de deux salves de lance-roquettes.

 

Michael et Lesley ont été tirés de leurs rêves pour être précipités dans un cauchemar éveillé.

«Ceci n'est pas un exercice. Je ne déclenche pas l'alerte générale parce que la consigne est de se rendre sur le pont avec son gilet de sauvetage. Si vous faites ça, vous allez vous faire tirer. Nous sommes attaqués par deux bateaux, vous devez rester près du sol», annonce la voix du capitaine par les haut-parleurs du Spirit, selon ce qu'évoque Michael Rogers lors d'une récente entrevue avec Sun Media.

«Ma femme est juive et j'ai cru que c'était Al-Qaïda», raconte Michael Rogers.

«C'était soit des terroristes, soit des pirates. J'ai dit à ma femme d'enlever tous ses bijoux et de les leur donner s'ils montaient à bord. Tu ne sais juste pas ce qui va se passer.»

Nouveaux pirates, nouveaux butins

Contrairement aux pirates de notre imaginaire, comme le Jack Sparrow joué par Johnny Depp, les pirates modernes ne sillonnent pas les sept mers à la recherche de cartes magiques ou de trésors enterrés.

Mais ils sont tout de même à la recherche de butin. De nos jours, ça prend la forme de rançons exigées des compagnies de transport, de cargaisons pouvant être revendues sur le marché noir ou de navires à confisquer, renommer et utiliser pour flouer des marchands voulant expédier leur marchandise outre mer, ou pour lancer des attaques en eau profonde.

Dans les régions autour du Nigeria, du Sri Lanka et du sud de l'Inde, les activités de piraterie sont mêlées à la politique. Des mouvements de résistance locaux s'en servent en effet pour tenter de déstabiliser le gouvernement ou pour faire des coups d'éclat.

Le désir de tuer

Mais quelque soit l'endroit, une chose semble commune à tous les pirates: la violence de leurs actes.

Selon Michael Rogers, qui a connu les balles et les tirs de roquettes des pirates mais qui est aujourd'hui vivant grâce au sang-froid admirable du capitaine du Spirit, quelqu'un comme Johnny Depp ne pourrait jamais être un vrai pirate.

Il lui manque le désir de tuer.

«Une expérience avec des pirates, ça t'apprend des choses, affirme-t-il. Par exemple, ce qu'est la vraie peur.»

 

Les eaux restent très dangereuses

 

En 2006 à travers le monde, il y a eu 239 attaques de pirates, si l'on compte les tentatives et les attaques réussies, selon le Bureau maritime international, qui surveille les incidents de piraterie pour le compte de compagnies de transport et d'assurances.

Ces chiffres indiquent une baisse du nombre d'attaques au cours des trois années précédentes. En 2005, le BMI a enregistré 276 tentatives et attaques. En 2004, il y a eu 329 incidents et en 2003, 445. Selon Pottengal Mukundan, directeur du BMI, de nombreux incidents ne sont jamais rapportés.

Le cas de l'Indonésie

L'Indonésie demeure, selon le nombre d'attaques, le pire endroit au monde pour la piraterie, avec 50 attaques en 2006, ce qui représente tout de même une baisse par rapport aux 79 attaques de l'année précédente. Les attaques de pirates sont aussi très répandues dans les eaux près du Bangladesh et du Brésil.

Les gouvernements et les compagnies de transport ont augmenté leurs efforts pour enrayer la piraterie dans les environs de l'Indonésie et du détroit de Malacca. Une partie de la motivation provient du fait que des compagnies d'assurances ont décidé de hausser leurs tarifs pour les trajets qui passent par le détroit de Malacca, selon ce qu'explique David Pearl, un analyste maritime civil rattaché au U.S. Office of Naval Intelligence.

Mais les eaux restent dangereuses. Le 14 mars dernier, dans les eaux situées à environ 50 km à l'est de Pulau Bintan, en Indonésie, un pétrolier n'a pas eu autant de chance lorsqu'il a été attaqué par des pirates opérant à partir de deux bateaux de course. Le pétrolier a été abordé par 10 hommes en tenue de combat et armés de fusils, de carabines et de poignards. Les pirates ont battu le capitaine du bateau, ligoté les membres de l'équipage et leur ont bandé les yeux avant d'abîmer le matériel de communication du navire et de voler l'argent, les passeports, les journaux de bord et les téléphones de l'équipage.

Le cas de la Somalie

Mais les 3300 km de la côte de Somalie le disputent à l'Indonésie comme pire endroit au monde pour la piraterie, selon les autorités. Entre janvier 2005 et avril 2006, il y a eu 19 attaques réussies près de la Somalie, selon les chiffres des Nations unies.

Le BMI a lancé une alerte de piraterie pour les eaux somaliennes en avril dernier après qu'il se fut produit plusieurs incidents sérieux. Les pirates somaliens ont relâché deux navires capturés ce mois-là après avoir obtenu le versement d'une rançon. Les pirates ont retenu pendant 40 jours l'équipage d'un vaisseau affrété pour le Programme mondial de l'alimentation des Nations unies après le déchargement de 1800 tonnes de nourriture pour la Somalie. Les pirates ont aussi capturé un navire se dirigeant vers le Soudan avec 800 tonnes de nourriture, de vêtements et de produits de beauté.

Le Programme mondial de l'alimentation affirme que par peur des attaques de pirates, les entreprises de transport commencent à refuser de transporter de la marchandise vers la Somalie, qui est ravagée par la guerre. L'organisme a lancé un appel à la communauté internationale pour enrayer le fléau de la piraterie.

Qui peut chasser les pirates

 

La piraterie est difficile à contrer parce qu'elle se produit souvent dans des zones hors du contrôle d'un État ou, comme dans le cas de la Somalie, près des côtes d'un pays sans gouvernement central.

M. Mukundan affirme que des navires de guerre des États-Unis et d'autres pays de l'Ouest ont affronté des pirates par le passé, mais leur attention se porte maintenant sur des activités de plus grande envergure, telles que la guerre en Irak ou les opérations contre le terrorisme.

Aucun lien n'a été établi entre les terroristes et les pirates.

En janvier 2006, le USS Winston Churchill a capturé 10 pirates somaliens à 87 km de la côte somalienne. Les pirates avaient kidnappé un équipage indien six jours auparavant. Les pirates se servaient du voilier capturé pour lancer de faux appels de détresse et comme plateforme de lancement pour leurs attaques. Le Kenya a offert de faire un procès aux pirates et ils ont tous été condamnés à sept ans de prison.

Sévérité

Parfois la justice est plus sévère, surtout quand il est question de politique.

Les autorités indiennes ont abattu cinq pirates maoïstes après une poursuite de cinq heures en bateau sur le fleuve Krishna dans l'État de l'Andhra Pradesh. Les maoïstes avaient détourné et fait sauter deux bateaux d'excursion. Aucun des touristes ne fut blessé.

Le NCSM Winnipeg, une frégate de patrouille canadienne, a aussi participé à une chasse aux pirates en 2005 le long de la côte d'Afrique de l'Est. Dans une entrevue accordée à Sun Media à l'époque, la caporalechef Susan Endean avait déclaré qu'il s'agissait d'une opération frustrante.

«Ils tuaient tout le monde qui se trouvait à bord des bateaux qu'ils avaient interceptés, avait-elle affirmé. Mais le temps qu'on arrive sur les lieux d'une attaque, ils avaient déjà fui dans des eaux territoriales hors de notre juridiction. Ils n'étaient pas stupides.»

La piraterie

Les Nations unies définissent les attaques de pirates comme des actes violents dirigés contre un navire en haute mer ou à bord de celui-ci à l'extérieur des eaux territoriales. La définition du BMI ne fait pas de distinction entre la haute mer et les eaux territoriales.

Le BMI classe les attaques de pirates en deux catégories: de bas niveau et de haut niveau. Lors d'une attaque de bas niveau, il s'agit habituellement de pirates qui grimpent à bord d'un bateau et volent tout ce qu'ils peuvent emporter. Ces attaques durent habituellement entre 15 minutes et une heure.

Les pirates aiment cibler les navires dont la ligne de flottaison est basse. En Somalie, ils utilisent des échelles à crochets de six mètres faites de barres d'armature pour aborder les navires. En Asie du Sud-Est, les grappins d'abordage sont plus populaires et il y a eu des cas où les pirates ont escaladé des perches en bambou pour monter à bord.


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