Nous ne sommes pas des mouchards

Publié le par Cyril

Une importante bataille juridique s'est engagée hier entre le Service de police de la Ville de Montréal et différents médias d'information, dont Le Journal de Montréal

Les enjeux de cette bataille sont élevés. Il s'agit de l'indépendance des médias d'information.

 

Dès mardi soir, la police réclamait des médias qu'ils leur remettent les photos et bandes vidéo captées lors des incidents qui ont troublé la paix au centre-ville lundi soir.

 

La réponse du Journal de Montréal fut qu'il refusait. Nous sommes un organe d'information au service du public, et n'entendons pas nous substituer au service de police.

 

Nos collègues des autres médias ont tenu une position semblable.

 

Les policiers sont revenus à la charge tôt mercredi matin, cette fois munis d'un mandat de perquisition, nous sommant de leur remettre ces enregistrements.

 

Le Journal de Montréal est un bon citoyen, respectueux des lois. Un mandat de perquisition est un ordre signé par un magistrat - on ne peut l'ignorer ou en faire fi. Nous avons donc remis à la police la cinquantaine de photos qu'elle réclamait.

 

Mais l'affaire n'en est pas restée là. Les médias - le Journal, The Gazette, La Presse, TVA, CTV, SRC, entre autres - se sont adressés à la Cour supérieure hier après-midi pour faire invalider ce mandat de perquisition et ainsi empêcher la police de se servir de matériel journalistique pour identifier d'éventuels coupables.

 

En attendant l'audience, le tribunal a demandé à la police de ne pas se servir du matériel obtenu des médias dans son enquête.

 

La police avait déjà fait appel aux citoyens, leur demandant de lui faire parvenir leurs photos et vidéos. Tant que cette collaboration demeure volontaire, on ne peut que l'encourager. Plusieurs avaient déjà diffusé leurs images sur YouTube ou d'autres sites Internet. Disons seulement que le matériel produit par des professionnels est d'une précision et d'une netteté supérieures.

 

Cependant, forcer les médias à collaborer à ses enquêtes est un pas que la police ne devrait jamais franchir.

 

RELATION DE CONFIANCE

 

D'abord, c'est trop facile de laisser les journalistes se déployer et prendre des risques, pour ensuite confisquer leur matériel.

 

Ensuite, cette pratique, détestable, ne peut que nuire au travail des médias et, partant, à la qualité des informations qu'ils offrent au public.

 

La police entretient avec le citoyen une relation basée sur l'autorité, reposant sur la force de la loi.

 

Les médias, les journalistes, n'ont pas cette autorité. La confiance qu'ils inspirent est leur carte de visite. Leur réputation d'indépendance - garante de leur impartialité - est leur principal actif professionnel.

 

Comment des reporters pourraient-ils obtenir la confiance de citoyens, développer des sources d'information confidentielle si leurs notes et enregistrements risquaient d'aboutir au commissariat ? Comment pourraient-ils filmer une manifestation, un incident, un accident librement si des gens craignaient qu'ils soient en train d'enregistrer la preuve de la police ?

 

La liberté de parole des médias, ainsi que leur liberté de recueillir de l'information, sont garanties par la Charte canadienne des droits et libertés.

 

La liberté et l'indépendance de la presse sont vues comme un rempart protégeant la démocratie - contre les tentations totalitaires d'un état policier, justement.

 

 


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